Malgré un rapprochement soutenu depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, la cohabitation entre la Pologne et l’Europe n’est pas toujours de tout repos. La raison : Varsovie mène une drôle de bataille contre les institutions européennes. On serait légitimement tenté de se questionner sur les réels motifs du conflit opposant les deux parties depuis maintenant plusieurs décennies. Elle a sans doute à voir avec la ferme volonté de la Pologne de ne pas laisser dissoudre ses valeurs et son identité dans une sorte de fédéralisme, voire d’impérialisme devenu une tendance claire des institutions européennes.
De profonds désaccords
La décision rendue par la Cour Constitutionnelle polonaise dans le mois d’octobre 2021 illustre parfaitement le fossé qui se creuse entre la Pologne et l’Europe. Dans sa décision, la Cour statuait sur l’incompatibilité de certaines parties importantes du droit communautaire européen avec la Constitution polonaise, remettant ainsi en cause l’ordre juridique de l’Union européenne.
Outre les débats juridiques, les autorités polonaises font également pression politiquement et militairement. En témoignent les propos tenus par le Premier ministre polonais lors d’un entretien pour le « Financial Times ». Celui-ci n’a pas manqué de brandir la menace de l’utilisation « de toutes les armes à disposition de la Pologne » en cas de refus des fonds de relance de l’UE pour cause de différents entre les deux parties.
Fait suite une semaine plus tard, la décision de la CJUE de condamner la Pologne à payer 1 million d’euros d’amende par jour. Cette condamnation vient sanctionner le comportement du pouvoir polonais qui n’a pas donné suite à une ordonnance de suspension d’une partie de sa réforme judiciaire. Les relations entre la Pologne et l’UE sont définitivement plus qu’entachées.
Les deux parties sont fondamentalement opposées sur plusieurs questions centrales. En effet, les différences culturelles entre la Pologne et les autres États membres de l’UE rendent difficile le consensus sur des questions liées par exemple à l’avortement ou encore aux droits des LGBTQ+. À cela s’ajoute les questions de souveraineté introduite dans le débat par le parti au pouvoir qui ne sont pas du goût de Bruxelles. En réalité, un chantage et des pressions culturelles et politiques s’exercent de la part de la commission et de ses instances qui vont, désormais, bien au delà des simples éléments économiques et des visées de marché commun. La Pologne ne veut simplement pas se prêter à toutes les injonctions au risque d’y voir dissoudre son identité.
L’éventualité d’un Polexit ?
La situation actuellement tendue dans les relations entre la Pologne et l’UE ne laisse cependant pas envisager un Polexit. Le retrait de la Pologne de l’UE n’avantage aucune des deux parties. Les partis politiques polonais en faveur de l’UE sont encore majoritaires et possèdent une caisse de résonance considérable. Le pays ne voudrait pas faire face au retour de ses migrants mécontents, en cas de Polexit. De l’autre côté, un retrait de la Pologne signifierait la perte de l’un de ses principaux fournisseurs pour l’UE. En plus, un départ supplémentaire, après celui de la Grande-Bretagne, pourrait porter un coup fatal à l’Union, plus que jamais fragile. Au bras de fer et au chantage financier et même si la Pologne reste un état bénéficiaire dans le schéma des aides européennes, il n’est pas certaine, au bout du compte, que l’Europe soit gagnante. Mis au pied du mur, ce pays de caractère, attaché à son indépendance, pourrait bien choisir de lâcher Bruxelles.